Sefrou est une coquette petite cité berbère des premiers contreforts du Moyen-Atlas à 850 m d’altitude, à 28 km au sud de Fès. Elle était célèbre par ses cerisiers et ses lavandières qui animaient à longueur de journée les rives de l’oued Aggai.
Cette photographie aérienne de 1930 est centrée sur la ville de Sefrou.
En haut à gauche on aperçoit le bourg d’El-Kelaa, un peu plus bas les tours de Dar Caïd Omar. On distingue les remparts qui entourent la ville et au 2ème plan, au centre, le cimetière de Si Ahmed Tadli.
L’oued Sfrou appelé aussi Oued Aggaï serpente au milieu de la ville qu’il sépare en deux.
Cité blanche, entourée de murailles ocres ou rousses, crénelées qui enserrent depuis 1820 environ, ses quartiers pittoresques, ses souks, ses ponts, ses cascades sur l’oued Aggai qui traverse la ville et irrigue tous les coins enchanteurs de cette cité jardin, elle était appelée « le jardin du Maroc »
La curiosité des visiteurs était sollicitée par le Mellah qui offrait un intérêt particulier avec ses hautes maisons à trois étages, badigeonnées de couleurs vives, ses balcons en bois peint et ses façades percées de petites fenêtres grillagées. Dans ses hautes demeures, un peu mystérieuses dans le dédale de rues étroites vivait une population juive, nombreuse et gaie, dans le respect des traditions ancestrales. Aujourd’hui il n’y a plus de juifs à Sefrou et une grande partie du Mellah est en ruines.
Au coeur de la ville, le fameux « lavoir juif » où chaque matin bon nombre de femmes juives viennent, dans les eaux claires, fraîches et rapides de l’oued Aggai (qui prendra le nom d’oued El Ihoudi – rivière du juif – après son passage au Mellah) laver leurs bassines de cuivre et battre le linge formant un tableau unique et pittoresque qui a maintes fois séduit les artistes.
En passant par les gorges qui conduisent au Fort Prioux (du nom d’un lieutenant français tué lors des combats de Sefrou en 1911) on accède à un gros bourg El-Kelaa situé à quelques centaines de mètres de Sefrou dans un site lui aussi très pittoresque et dont la population est composée de propriétaires de jardin et de maraîchers … et qui a la réputation d’être quelque peu frondeuse.
La ville nouvelle habitée par les Européens, comprend les établissements commerciaux et de nombreux bâtiments administratifs . Elle n’apparaît pas sur la photo. (Elle est au delà du bord gauche).
Sefrou, est antérieure à Fès et selon les auteurs anciens, avant de fonder Fès vers l’an 808 Moulay Idriss II séjourna pendant 2 ans à Sefrou. Il s’installa dans le quartier Habouna qu’il convertit très vite à la doctrine musulmane. C’est en raison de l’empressement que mit ce quartier à embrasser l’Islam que Moulay Idriss dit de ses habitants « Habouna », ce qui veut dire « qui nous ont aimés ».
La fin du séjour de Moulay Idriss à Sefrou serait marquée par sa phrase restée célèbre et dont les Sefriouis sont toujours très fiers n’en déplaise à leurs frères Fassis : « Je vais de la ville de Sefrou au village de Fès ».
Voici ce que Colette a écrit sur Sefrou, vers 1926 :
« Sefrou : Le paradis terrestre, à peu près tel que nous l’imaginons, si nous l’imaginons oriental et peuplé, et restreint. Sefrou est une flaque de terre fertile, juteuse, toute frémissante du rire de l’eau. La grenaderaie flambe, la cerise enfle, le figuier sent le lait, l’herbe livre son suc dès qu’on la froisse. La rose du Bengale maîtrise la vigne, un vent joueur blanchit les enclos en montrant l’envers à la fois de toutes les feuilles. Un lieu si doux fait l’homme aimable : les garçons sont beaux, les jeunes juives lisses étincelantes d’yeux et de dents, et l’eau bondit sous les ponts entre des rochers et des terrasses à blé où le grain, pelleté par des enfants, coule comme une grève blonde.
Un pacha rustique règne sur ce petit Eden de quatre-vingts hectares. Il grisonne, il a un nez belliqueux entre des yeux doux. Fidèle, il s’est bien battu, aimant autant le fusil que le couteau à greffer. Encore un qui veut réduire Abd-el-Krim à ses dimensions exactes : qu’on lui confie deux mille cavaliers, et l’affaire est réglée… Sa maison est froide, nette, simple sauf les lits de parade, et lorsqu’il nous conduit par les rues, tous lui baisent l’épaule. La roseraie qui enchante la place ne lui appartient pas, mais il force un peu la serrure pour entrer, blanc et assuré comme un archange maraudeur, et nous cueillir des roses.
Nous partons, dans le bruit des sources qui tombent des pentes, passent sous la route, reparaissent, emplissent un vert bassin, retraversent la route sur nos têtes dans un tronc creux qui laisse pendre des fils d’eau tremblante, abreuvent chaque layon de vigne, chaque sillon d’orge. Terre heureuse, où les enfants gras roulent, où les gros serpents, ronds eux-mêmes, ceignent mollement le pied des oliviers ! »
Colette. Notes marocaines. Texte écrit vers 1926 et publié en 1958 . Éditions Mermod Genève.
Enfin Sefrou est une ville à laquelle je suis très attaché : j’ai passé là dix années de mon enfance. Nous reparlerons de Sefrou !
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