Texte de Denise R.Quesnel, publié en 1933 dans la revue Nord-Sud n° 6 et illustré par Robert Camille Quesnel, peintre orientaliste très connu à Sefrou où il a vécu une trentaine d’années à partir des années 1930.
Leur fils m’a suggéré de mettre ce texte en ligne, ce que je fais avec plaisir !
Je me souviens encore, aujourd’hui, de la surprise extasiée que j’eus en découvrant Sefrou.
En quittant Fès par la route du Sud, à 30 kilomètres, tapie dans la verdure et dans les fleurs, abritée de ses remparts, Sefrou – petite ville à l’entrée du bled berbère – prodigue aux touristes toutes les beautés d’un site vraiment unique au Maroc.
Arrivée : place Bab M’Kam. Il vous est alors possible de vous demander si vous êtes en France ou en Orient. Peupliers, saules-pleureurs, rosiers grimpants le long des remparts, oliviers : on se croirait en Provence.
Médina : traversée de l’oued Aggaï ; maisons, jardins, moulins, cascades s’étageant dans la verdure, s’abaissant dans les eaux de l’oued.
Les souks soigneusement abrités de « mamounis » filtrant le soleil, surprennent par leur jour dansant, par cette foule de chleuhs aux vêtements couleur de leurs montagnes contrastant avec les femmes berbères dont les foulards éclatants donnent une note vibrante à cette masse d’allure uniforme.
Mellah : ruelles couvertes, ombres et lumières. Couleurs tendres des femmes aux yeux bleus et au teint laiteux. Bariolages éclatants des costumes : toutes les couleurs du monde réunies sur un seul être. Foule grouillante, jacassante, criante, débordante d’activité.
L’oued El Youdi parcourt le Mellah. Femmes, enfants retroussés jusqu’aux genoux, lavent étoffes, cuivres, ruisselants d’eau et de soleil.
Spectacle admirable que je vous souhaite de voir, le soir vers cinq heures, alors que toutes ces couleurs sont fondues, diminuées dans l’harmonie douce d’une belle fin de journée.
Jardins : tous les arbres fruitiers y sont rassemblés. Qui ne connaît la saveur des cerises de Sefrou ? Pruniers, pêchers, grenadiers, abricotiers, pommiers et leur saveur modeste, rampante et cachée : la fraise succulente, fondante et parfumée.
Au printemps, tous ses arbres en fleurs font de Sefrou, un vaste verger odoriférant et gai où il fait bon se reposer.
Marabouts dispersés et nombreux : Sidi bou Médiane, enfoui sous les oliviers, mystérieux, évoquant ce conte des mille et une nuits : Aladin à la recherche de la lampe merveilleuse. Sidi bou Seghine, dominant Sefrou, où vont les femmes en pèlerinage. Sidi Ahmed Tadli, dans les jardins, coin délicieux où les fassis viennent camper l’été.
Marabouts plein de charme et de poésie : tout en eux évoque les croyances millénaires.
Entourant Sefrou : murailles doucement teintées, ravins de verdure, mamelons, collines boisées, ruisseaux, cascades, étangs, sources. Partout, une eau limpide et bonne jaillit, murmure et fertilise cet oasis.
Le djebel Boui-Blane domine de sa masse neigeuse Sefrou et le bled environnant.
Bled âpre et rude. Montagnes arides. Troupeaux, bergers, tentes berbères rectangulaires et sombres.
Oiseaux chassant une proie.
Silence !

Marabout de Sidi Bou Médiane – dont parle Denise Quesnel – peint par R.C. Quesnel