Image à la une : carte postale – publicitaire – représentant un tableau de Pontoy, confirmant la création du fondouk en 1929…..et qui permet en même temps d’admirer le talent de Pontoy, peintre orientaliste qui fut un temps professeur d’arts et lettres au Collège Moulay Idriss de Fès.

J’ai trouvé il y a quelque temps, sur internet, un petit livre, au titre un peu hermétique « de la protection des Solipèdes à Fès » écrit en 1930 par Jean Grimpret, docteur vétérinaire. Je ne suis finalement pas déçu de mon achat car l’auteur évoque parmi des considérations technico-scientifiques quelques éléments sur les origines du Fondouk Américain dont je vous propose une synthèse.

En 1920, Mme BOUCHEZ, (à un R près son action aurait peut-être été différente !) femme d’un officier français, décide de soigner bénévolement les animaux malades ou blessés de la médina de Fès .
Il s’agissait essentiellement des ânes, des mulets et autres équidés (ou pour faire plus savant des solipèdes – animaux qui n’ont qu’un doigt ou qu’un seul sabot non fendu à chaque pied –) utilisés pour assurer tous les transports dans les rues étroites, tortueuses et en pente de la vieille ville.

En 1922, une anglaise, Miss HOSALY, membre d’une société londonienne de protection des animaux, intéressée par l’action de Mme Bouchez, devient sa collaboratrice et les deux femmes parcourent les ruelles de la médina, soignant dans les écuries et les fondouks les animaux en mauvais état. Elles allaient aussi sur les marchés les jours de souks (souk el Khémis vers les remparts des Cherarda et de Bab Mahrouk)

Leur action consistait surtout à nettoyer les plaies avec des moyens simples et peu onéreux, bleu de méthylène et acide picrique en solutions. Ces actions suscitaient souvent plus de sarcasmes et de railleries que d’admiration et il devenait difficile de poursuivre seules ces interventions.
Mme Bouchez envisagea un temps de s’affilier à la société protectrice des animaux de Casablanca fondée quelque temps auparavant, mais finalement en 1923 elle fonda à Fès une société locale indépendante pour la protection des animaux avec l’aide de tous les vétérinaires (municipaux et militaires ) de la ville et rapidement près de 80 souscripteurs ont assuré les fonds nécessaires à une action plus efficace et qui se voulait pérenne.

Des touristes anglais ou américains, lors de leurs visites à Fès remarquent le mauvais état de beaucoup d’animaux et signalent au retour chez eux les actions de protection des animaux mises en place. En 1926, une américaine Miss Cooper, membre d’une société de secours aux animaux, en voyage à Fès, rencontre Mme Bouchez et à son retour aux États-Unis fait publier dans le Times une lettre où elle décrit la situation difficile des animaux en médina et l’absence de moyens financiers suffisants pour répondre à la demande de soins.

Un comité américain est formé sous la direction de M.Williams et réunit rapidement les sommes nécessaires pour la création d’une véritable infirmerie vétérinaire. Dès 1927, au Talâa, s’ouvrait une fondation avec cet écriteau « Poste de secours aux animaux. Fondation américaine ». Les pauvres pouvaient amener leurs animaux blessés ou malades qui sont entretenus et soignés gratuitement jusqu’à leur guérison complète ; des équipes d’employés de ce fondouk recueillaient en ville les animaux en mauvais état. Le premier vétérinaire fut M. Grimpret, vétérinaire municipal de Fès (et père de l’auteur du livre).

Des crédits furent également consacrés pour l’achat des bêtes trop malades ou trop vieilles pour être soignées et qui étaient abattues. Tous les animaux abandonnés étaient recueillis et soignés ; une section chien et chat fut ouverte pour prendre en charge les nombreux animaux nouveaux-nés abandonnés dans les rues. La plupart du temps ils étaient chloroformés, le fondouk n’ayant pas les moyens de les nourrir.

Le succès de ce fondouk fut tel qu’il devint trop petit et en 1929, M. Williams se chargea de négocier l’achat d’un terrain, pour construire une véritable infirmerie vétérinaire capable d’héberger une centaine d’animaux. C’est le « Fondouk Américain » que tous les fasi connaissent, situé au pied du mellah sur la route de Taza. Il comprend de vastes écuries, propres, aérées et confortables pour les ânes, chevaux et mulets. Des boxes , une salle d’opération, un petit laboratoire, des magasins à fourrage, une forge sont installés dès le début.

Un vétérinaire sous contrat et rétribué est recruté et se voit confier l’organisation et le fonctionnement de ce nouvel hôpital pour animaux dont l’entrée en service était effective en mars 1930.

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Vue intérieure de la porte d’entrée de l’American Fondouk

Les soins sont totalement gratuits, les animaux hébergés et nourris gratuitement jusqu’à complète guérison. Des primes sont données aux propriétaires qui font un effort continu pour améliorer le sort de leurs animaux. Des actions éducatives sont conduites pour éliminer les actes de cruauté envers les animaux et améliorer les conditions d’utilisation, la nourriture et l’hébergement des solipèdes fasi.

Le site internet de l’American Fondouk

http://www.americanfondouk.org/about/our-history.html

donne des informations un peu différentes concernant la date d’ouverture du fondouk et le nom des premiers fondateurs mais je préfère conserver mes informations recueillies « à la source », datant de 1930 et fournies par le Dr Grimpret, fils du premier vétérinaire et lui-même vétérinaire au fondouk américain.

Plus de 80 ans après son ouverture cette fondation poursuit son action ; l’hôpital vit essentiellement des donations étrangères. Les dons sont destinés à l’achat des médicaments et pansements, à financer soins et interventions chirurgicales, à nourrir les animaux en soin. Le matériel médical et les différents équipements techniques sont en général importés de l’étranger en principe en franchise de douane … ce qui a parfois posé quelques problèmes et au début des années 2000 le Fondouk a fonctionné au ralenti et a même fermé quelques mois n’ayant pu obtenir le statut d’association d’utilité publique. Depuis 2004 la situation a été régularisée et a permis la reprise d’un fonctionnement normal c’est à dire recevoir, soigner et héberger près de 20000 bêtes par an  : mulets, chevaux,  moutons, oiseaux (pigeons, cigognes), chiens, chats, etc …

Outre un ou deux médecins vétérinaires, d’autres employés exercent dans diverses spécialités, notamment l’administration, le secrétariat, l’infirmerie, la maréchalerie, l’entretien, et le jardinage. Une vingtaine de stagiaires se succèdent au long de l’année. Ils viennent d’universités américaines, et européennes dont l’université de Minnesota, de Californie, de l’Indiana, de la République tchèque et de Lyon . Les relations entre le Fondouk et les vétérinaires fasi sont excellentes.

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