Image à la une : Marchand de beignets dans la médina de Fès. Cliché anonyme (Chambon ? photographie originale faisant partie d’un lot de photos de 1924 du photographe Chambon).

Nous qui déplorons dans le Paris récent la disparition des pittoresques échoppes où s’abritaient les petits métiers, écrivain public, ravaudeuse, vendeurs de frites ou de marrons, regardons avec plaisir cette boutique, simple excavation dans un mur, au souk du Tala. Boutique ? Non : à peine une armoire. Là trône le marchand de beignets.

Accroupi et impassible comme un fakir, sous sa balance et devant sa poêle, le marchand de beignets fait frire sa marchandise et il opère avec une savante lenteur, environné des buées de cette huile chaude dont l’odeur, qu’elle nous plaise ou non, est l’odeur universelle de l’Orient. La pâte se gonfle, se dore, et son appétissant aspect va attirer les amateurs. Ils s’empresseront bientôt devant l’échoppe décorée sobrement de chapelets d’oranges. L’homme n’en dérangera en rien sa dignité hiératique. Rodin m’avait dit un jour : « La lenteur est une beauté ». Je comprends, devant ce vendeur de pâtisseries populaires. Il émet en rêvant ses petits globes de pâte sucrée comme un enfant ferait des bulles de savon. Cependant il sait interrompre sa songerie pour peser au plus juste et empocher, car les affaires sont les affaires. Quand il aura tout vendu, il rangera balance et bassine, dispersera ses braises, descendra la planche où il est juché, la relèvera, fermera son huis primitif avec les ais que vous voyez à terre et une serrure de bois, puis il s’en ira. Assez travaillé pour un jour. Ce n’est ni grand ni compliqué, une boutique du Maroc …

Sur celle-ci veillera, imprimée en bleu sur la muraille, la main fatidique et sacrée, qui exorcise et protège.

Dans « Fès, ville sainte ». Camille Mauclair, J.F. Bouchor. Henri Laurens, éditeur. Paris.1930

On trouve toujours ces marchands de « sfenj » en médina de Fès ou en « ville nouvelle » sous les arcades derrière le marché municipal ou dans le quartier de l’Atlas. Les heures d’ouverture sont limitées : de 7h00 à 9h30 le matin et de 17H00 à 18h30 en fin d’après-midi. À déguster tout chaud, sur place avec un verre de thé à la menthe : 2 sfenj et un verre de thé, 5 ou 6 dirhams !!