Image à la une : Vue générale de la médina de Fès, depuis le sud. Cliché à partir d’une plaque de verre de 1925.

Une hypothèse proposée par Pierre Bach en mars 1949.

Des auteurs ont écrit Fez, d’autres Fès, d’autres Fās. Puisque le nom nous est transmis par d’anciens écrits arabes, reportons-nous à l’arabe. Il est écrit Fās et ce mot signifie La Pioche.

Pourquoi La Pioche ? De nombreux auteurs arabes ont fourni des explications non moins nombreuses et divergentes. La plus satisfaisante est celle qui présente Idriss II fondant sa nouvelle capitale en donnant les premiers coups de pioche du fossé d’enceinte. La légende rapporte même qu’il se serait servi d’une pioche en or, mais cela n’était pas nécessaire puisque de ses mains il avait sanctifiée une pioche, fût-elle quelconque, qui devenait La Pioche. Et il avait fondé la ville Pioche, Fās.

Seulement il y a une difficulté, Idriss II s’est établi à un emplacement où il y avait déjà une cité berbère de la tribu Zouagha. Le Rawd al-Qirtas le précise. Il précise en plus que la fondation par Idriss II date de 806.

Or, on connaît des monnaies datées de 801 et portant l’inscription : Frappée en ville de Fās.

Alors ?

Alors, il faut bien admettre qu’il y avait une cité dite Fās avant 806. Était-ce la cité berbère qu’a agrandi Idriss II ? Ou était-ce une cité sur l’Ouergha, aujourd’hui ruinée et appelée Fès El Bali, Fès l’ancienne, la démolie ? On considère cette Fès El Bali comme une cité almoravide du 11e siècle, détruite au début du 16e siècle,  mais il n’est pas certain qu’il y n’ait pas eu une précédente « Médinat Fās » en ce point de l’Ouergha, bien avant le 11e siècle.

En même temps, il ne faut pas perdre de vue les explications du mot, tirées du berbère comme « meufès », déversoir, ou de la traduction du berbère comme « aguelzime », pioche. Il existe au Maroc de très anciens douars berbères dénommés les uns « guerzime », bénédiction, les autres « aguelzime », pioche, et les deux cités de Fès peuvent avoir été à l’origine, des douars Aguelzime.

Revenons à Fès El Bali de l’Ouergha qui est au pied du djebel Amergou. Il semble que ce soit, comme la citadelle de l’Amergou, une création almoravide sur une des ruines berbères d’inspiration romanisée. Certains auteurs rapportent que l’Amergou fut le théâtre de luttes sanglantes entre conquérants musulmans et berbères chrétiens c’est-à-dire romanisés et christianisés.

Idriss I a trouvé une capitale provisoire à Volubilis, dans les ruines de la capitale romaine. Il est fort possible qu’il ait trouvé sur l’Ouergha les ruines d’une cité romaine plus petite et même qu’il y ait installé un atelier de frappe de monnaies conservé jusqu’au moment où Idriss II le ramena à sa capitale de Fès, qui de 807 à 809 fut désignée sur ces monnaies par le nom de « Médinat El Alya ». Ce n’est qu’en 819 que l’on voit apparaître « Médinat Fās ».

La seule exception est la « Médinat Fās » de 801 ; on est vraiment tenté de croire que cette « Médinat Fās » est celle de l’Ouergha, Fès El Bali. Mais alors, celle-ci relève-t-elle aussi de la pioche en or d’Idriss II ? Là, il devient plus probable que ces Fās soient des Pioches résultant de la traduction en arabe du nom primitif de cités berbères : Aguelzime. Et encore n’est-il pas certain, s’il s’agit d’antiques cités romanisées, qu’il y ait eu déformations de noms romains qui seront peut-être un jour révélés par la découverte de quelque inscription.

Dans le premier article du blog (29 décembre 2016) je formulais quelques hypothèses quant à l’origine du nom de Fès Étymologie du nom de Fès

Pierre Bach propose une autre piste … serait-ce « la bonne pioche » ?

La médina de Fès, depuis le nord. Cliché à partir d’une plaque de verre de 1925