Image à la une : Vue aérienne des deux villes de Fès vers 1920. Au centre Fès El Bali, en haut légèrement à gauche Fez El Jdid.
Texte écrit en 1910 par Édouard Michaux-Bellaire et publié dans le Bulletin de l’enseignement public en janvier 1922 (n° 37).
Il y a à Fès deux villes bien distinctes : Fès El Jdid, la ville officielle où se trouvent le Makhzen et le palais du Sultan ; Fès El Bali, la ville commerçante et bourgeoise.
Les habitants de Fès El Bali ont une mentalité toute différente de celle des habitants de Fès El Jdid. C’est d’ailleurs pour échapper à l’influence des gens de Fès et pour pouvoir exercer son autorité avec plus d’indépendance, que le Sultan Abou Yousef Yacoub ben Abdelhaq EI-Merini fit construire Fès El Jdid, en 674 H. (1275 J.-C.). C’est dans la nouvelle ville, appelée d’abord Médinat El-Beïda, la ville blanche, que fut construit le palais du Sultan et que fut établi le Dar El-Makhzen, le Gouvernement. Fès El Jdid n’est pas une partie de Fès, c’est une ville à part, peuplée d’autres éléments et dont le rôle consiste à permettre au Makhzen de surveiller et de dominer les tendances toujours révolutionnaires et frondeuses de Fès El Bali. Il serait inexact de dire que Fès El Jdid défend Fès El Bali contre les attaques des Berbères : elle défend plutôt le Makhzen contre les agissements de Fès El Bali et des Berbères, en les empêchant de pouvoir se réunir contre lui.

Vue aérienne du palais du Sultan (au premier plan) et du Mellah (en arrière plan)
Par sa position même, Fès est le grand marché de toutes les tribus berbères qui s’étendent du côté du levant entre elle et la Moulouya d’une part, au sud de Meknès jusqu’aux montagnes du Derem, d’autre part. Toutes les immenses tribus des Aït Yousi, des Béni-Mguild, du Fazaz et bien d’autres viennent s’y approvisionner et y apportent également leurs produits. Les gens de Fès ont des relations suivies avec toutes ces tribus, et beaucoup de Berbères ont des intérêts à Fès et y ont des amis. Au point de vue économique, Fès est avant tout une ville berbère, parce qu’elle vit des Berbères. De plus, au point de vue religieux, Fès, la Zaouïa de Moulay Idriss le jeune, le fondateur de la ville, est pour toutes les tribus berbères la ville sainte, la ville par excellence. Non seulement au milieu de toutes les révolutions qui ont à tant de reprises déchiré le Maghreb, Fès n’a jamais été attaquée ni pillée par les Berbères, mais les gens de Fès El Bali et ceux des tribus ont souvent été alliés contre le Makhzen établi à Fez El Jdid.
Sans remonter bien loin dans l’histoire, et en n’examinant que la dynastie actuelle des Filala, on trouve des exemples fréquents de cette alliance. Au milieu des désordres qui n’ont cessé d’agiter le règne tant de fois interrompu et repris de Moulay Abdallah ben Ismaïl, les gens de Fès et les Berbères s’étaient alliés contre le Sultan.
Moulay Abdallah était à Dar Ed-Debibagh, les Oudaïa à Fez El Jdid et les Abid à la Qaçba des Cheraga ; d’autre part, Mohammed ou Aziz et les Berbères étaient campés au Djebel Tghat, les gens du Gharb, les Tliq et les Khlet à Dar EI-Diaf. Fès El Bali était avec les insurgés et les Berbères y entraient et y faisaient leurs affaires avec les habitants comme si de rien n’était.
Plus tard, le Sultan Moulay Sliman étant à Marrakech et des désordres s’étant produits dans le Nord de l’Empire, il écrivit lui-même aux gens de Fès de s’allier avec les Berbères pour rétablir la paix et la tranquillité. Moulay Sliman, qui connaissait les relations des tribus berbères avec Fès El Bali, relations qui constituent un élément vital de l’organisme même du Maghreb, avait résolu d’en profiter pour calmer les troubles des tribus du Gharb, Sefyan, Béni-Malek et d’autres, d’une part, et, d’autre part, il avait préféré provoquer lui-même la manifestation d’une alliance tacite faite d’intérêts communs et de besoins réciproques que de risquer de voir cette alliance se manifester en dehors de lui et contre lui peut-être. Le résultat de cette mesure ne fut pas conforme à l’attente de Moulay Sliman.
Dépassant les instructions du Sultan, les gens de Fès écrivirent aux chefs berbères El Ghazi Ez-Zemmouri, Hammo ou Aziz EI-Mtiri, Boubeker Am’hâouch, chef des Aït ou Malou, leur disant que Moulay Sliman avait abdiqué et leur demandant leur appui contre les Oudaïas qui étaient à Fès El Jdid, et pour proclamer un nouveau Sultan. Moulay Ibrahim ben Yazid fut proclamé et, à sa mort, son frère Moulay Saïd. Les événements qui se passèrent sont trop longs à raconter ici ; qu’il suffise de rappeler que Moulay Sliman dut assiéger Fès El Bali pendant plus d’un an et la bombarder pour arriver à y entrer, et qu’il dut également faire la conquête de Tétouan qui avait suivi Fès dans la révolte, alors que les autres villes de l’Empire lui étaient restées fidèles.
Le Sultan Moulay Abderrahman, qui a cherché pendant tout son règne à augmenter les revenus du Trésor en créant des monopoles et le meks (droit de porte/de marché), qui avait créé entre autres le monopole des peaux et celui des sangsues, chercha également un moyen de tirer quelques ressources des Berbères qui ne payaient aucun impôt.
Au lieu d’organiser de coûteuses mehallas et de courir les risques d’expéditions périlleuses, il trouva plus simple, moins ruineux et plus sûr de frapper d’un droit d’exportation toutes les marchandises sortant de Fès à destination des pays berbères. Il organisa ainsi une véritable douane intérieure : ce nouvel impôt prit le nom de « achour du Fondaq En-Nedjarïn », de l’endroit, à Fès, où cet impôt était perçu. Ce droit subsiste encore, il s’étend même aujourd’hui à toutes les marchandises sortant de Fès, quelle que soit leur destination. Voici comment il est perçu : des agents du Fondaq En-Nedjarïn, placés à toutes les portes de Fès, interdisent la sortie de toutes les marchandises dont le convoyeur n’est pas porteur d’un reçu signé des oumana de ce Fondaq, établissant que les droits ont été payés. Les marchandises devant sortir de Fès sont donc transportées au Fondaq En-Nedjarïn, où elles sont examinées par les oumana et où elles acquittent un droit de 10%. Les Berbères qui viennent s’approvisionner à Fès payent ce droit sans protester, mais profitent de toutes les révolutions pour ne plus l’acquitter.

Intérieur du Fondaq En-Nedjarin dans les années 1920
En résumé, non seulement Fès El Bali ne craint pas les Berbères, mais entretient avec eux depuis des siècles d’excellentes relations, et si Fès est le marché le plus important du Maroc, c’est parce qu’il est le marché des tribus berbères. De plus, les nombreux Chorfa descendants de Moulay Idriss qui habitent Fès sont tous l’objet de la vénération de ces tribus berbères, dont ils vivent : les rapports de la ville de Fès et des tribus berbères constituent la vie du Maghreb. Cette vie, telle qu’elle existe depuis des siècles, son fonctionnement régulier, sont indispensables au Makhzen, qui peut diriger ce fonctionnement avec prudence, de façon à en profiter, mais qui ne peut pas le détruire, sous peine de se condamner et de se détruire lui-même.
Fès est non seulement pour les Berbères, la Zaouïa de Moulay Idriss, la ville sainte où se trouve le tombeau de celui qu’ils considèrent, de même que les Djebala Moulay Abdessalam, comme le gardien de leur indépendance et comme leur protecteur contre l’étranger, c’est aussi le marché où ils écoulent directement ou indirectement leurs produits et qui les fournit de tout ce qui leur est nécessaire. Cette vie économique, commune à la ville de Fès et aux tribus berbères, accomplit tous ses actes sous la protection de Moulay Idriss, de telle sorte que les échanges et les transactions commerciales empruntent à la bénédiction du Saint qui les favorise une sorte de caractère sacré, une véritable baraka. C’est aux transactions avec les tribus berbères que Fès doit sa richesse et son florissant commerce ; il n’est pas rare de voir un boutiquier de Fès, occupé avec des clients arabes, les abandonner sans façon s’il voit des Berbères s’arrêter devant sa boutique. Le Berbère marchande moins que l’Arabe, il paye plus cher ; le Fasi n’hésite pas à lui dire qu’il lui vend tel objet moins cher qu’il ne l’a payé lui-même et, pour convaincre son naïf client, le marchand ajoute : « Haq Moulay Idriss. » L’acheteur comprend que son vendeur lui jure que c’est la vérité, par Moulay Idriss, tandis que le rusé Fasi traduit mentalement : il y a la part (el-Haq) de Moulay Idriss dans le bénéfice. Et, en effet, le marchand, si l’affaire est conclue à son avantage, va déposer pieusement une petite part de son gain dans le tronc du mausolée du Saint. On voit que si Moulay Idriss est le protecteur de l’indépendance des Berbères, il est également celui de la fortune des marchands et c’est ainsi que, couvertes de la haute influence du fondateur de Fès, les transactions se continuent depuis des siècles. Il est aisé de comprendre que dans ces conditions, ni les Berbères ni les gens de Fès ne veulent voir pénétrer dans la ville sainte l’influence européenne, ni surtout les capitaux européens. Toute une organisation commerciale, qui fonctionne depuis près de mille ans, se trouverait bouleversée de fond en comble ; les innovations seraient peut-être meilleures que l’état de choses existant, mais ce serait des innovations, de nouvelles habitudes à prendre et, pour les gens de Fès, l’arrivée de concurrents avec des capitaux, qui ne permettraient plus de faire sur les marchandises de splendides bénéfices à l’abri du Haq Moulay Idriss.

Dans les souks du Talaâ vers 1925. Cliché anonyme
Les négociants de Fès ont à leur service des marchands qu’ils envoient aux différents marchés de la région. Les marchands partent de Fès avec des animaux chargés de marchandises et reviennent après les avoir vendues.
Par exemple, certains d’entre eux quittent Fès le lundi et se rendent au marché du mardi, Tleta de Ba Mohammed, dans la tribu des Cheraga : c’est un marché considérable, où viennent un grand nombre de Djebala : Beni Mezguilda, Setta, Fichtala, Béni-Zeroual, Slass, Djaïa, les gens du Gharb de la rive gauche d’Ouergha ; Oulad Aïsa, Cheraga et Oulad Djama et une partie des Haïaïna. De là, les marchands vont à l’Arba des Oulad Djama ; c’est un petit marché qui n’est guère fréquenté que par les gens des Oulad Djama eux-mêmes. Les marchands de Fès y achètent des poules et des œufs. Ils vont ensuite au Khemis des Hadjaoua, qui est très important : il est fréquenté par les gens du Gharb, les Oulad Aïsa, Cheraga, Oudaïa, Zrahna et Oulad Djama. Puis au Djouma des Oulad Aïsa, qui n’est pas important.
De là, ils vont au Sebt des Oulad Aïsa. Ce marché présente une particularité remarquable. Il y vient des Djebala, des Setta et des Beni Mesguilda. Les gens des Oulad Aïsa prélèvent, non pas au profit du Makhzen, mais à celui des douars voisins du Souq, du meks, des droits de marché sur tous les animaux et sur tous les produits apportés par les Djebala, et un droit de régie sur la vente du tabac et du kif. Cela prouve bien que si le Makhzen voulait se donner la peine d’organiser un peu son administration, il lui serait relativement facile, au moins dans certaines régions, de percevoir régulièrement les droits de marchés, prévus par les règlements (tertib) et qui ne sont plus depuis longtemps perçus que dans les villes.
Il y a également un autre marché du samedi appelé Sbiit (le petit samedi), des Oulad Djama. Il est fréquenté par les Rifains du Lemta et par les Oulad Djama.
La tournée continue par le marché du dimanche, El Hadd bou Chabel en Cheraga. Il est fréquenté par les Fichtala, les Beni Mezguilda, les Oulad Djama et par un petit nombre d’Oulad Aïsa.
La tournée se termine par le marché du lundi, Et Tnin de l’Ouldja des Cheraga, fréquenté par les Haïaïna, les Oulad Djama, les Cheraga, les Slass et les Fichtala. Une autre tournée commence par le Souq Et Tleta de Nkhila, chez les lIaïaïna, fréquenté par les Beni Sadden et les Oulad El Hadj, et continue par l’Arba de Tissa en Haïaïna, où se trouvent des Haïaïna et des Oulad El Hadj.
EI-Khémis el Gaeur, dans la même tribu, le jeudi.
Le Sbiit de l’Oued Djemâa, fréquenté par les Cenhadja, les Meziat, les Béni Oualid.
Outre ces deux tournées de marchés, les gens de Fès vont fréquemment au Souq EI-Tleta des Oudaïa, près du pont de l’Oued Mekkes. À la belle saison, les marchands de Fès vont à ce marché et en reviennent dans la même journée.

Convoi en route vers le marché, vers 1920
De plus, les négociants de Fès ont des agents dans la plupart des villes du Maroc. Ces agents ne sont pas généralement choisis par eux dans les villes où ils veulent négocier, mais ce sont des parents ou des gens à leur service qu’ils envoient de Fès dans les différentes villes. Il y a ainsi des commerçants de Fès dans toutes les villes du Maroc.
Pour ne parler que des localités où les négociants de Fès ont des agents envoyés par eux, pour commercer avec les tribus berbères, nous trouvons en première ligne Taza, pour les affaires avec les Tsoul, les Branés, les Ghiata, etc., Sefrou, chez les Aït Yousi. Les marchandises sont envoyées par les négociants de Fès à Sefrou, qui, eux-mêmes, envoient des sous-agents vendre ces marchandises dans les marchés des Aït Yousi
Pour commercer avec les Beni Mguild, les négociants de Fès ont des agents à Azrou, chez les Zaïan, à Qaçbat El Khénifra. Les Zaïan présentent cette particularité que, comme chez les Djelaba, on n’y trouve pas de Juifs ; ceux-ci ne dépassent par la région des Beni Mguild, où ils sont admis.

Souk el-Khemis à Sefrou. Cliché anonyme de 1938
Un négociant de Fès, Ould Mezour, fait d’importantes affaires en bestiaux chez les Zaïan, où il a toujours des acheteurs qui lui envoient des troupeaux considérables qu’il entretient dans la plaine du Saïs. Ce sont ces animaux qui contribuent, pour la plus grande part, à alimenter la ville.
Fès fait également avec les Berbères un grand commerce de peaux, de bois et de charbon.
Les meilleurs bois sont ceux du Fazaz ; viennent ensuite ceux des Beni Mguild, puis ceux des Aït Yousi et enfin ceux des Beni M’tir, qui sont médiocres. Ce sont tous des bois de cèdre.
Les négociants en bois envoient dans ces tribus des agents qui y prennent des ouvriers pour abattre les arbres et les façonner. Ces agents habitent les forêts mêmes, dans des nouaïl (plur. de nouala), huttes de branchages. On voit souvent dans la plaine du Saïs de grands convois de bois, accompagnés de Berbères, hommes et femmes, se rendant à Fès.
Les provisions pour la nourriture des agents chargés des achats de bois et habitant les forêts leur sont envoyées de Fès par les animaux qui retournent à vide.
Ce qui se passe pour le bois se passe également pour le charbon : les négociants en charbon de bois envoient dans les tribus berbères, principalement chez les Aït Yousi, des agents qui s’installent dans des huttes et qui font faire le charbon qui est envoyé à Fès. Beaucoup de négociants de Fès ont également des agents au Tafilet, entre autres les Touaza, les Oulad Bousfiya, les Oulad ben Zekri, les OuIad EI-Kohoun, les Chorfa Qaqalliyn. Ces agents habitent Bou Aam, d’où ils rayonnent dans tout le pays.
Ils ont également des agents à Qçabi Ech Chorfa, qui vont dans les tribus environnantes.
De même à Taza, à Qaçbat El Meçoun, à Qaçbat Aïoun Sidi Mellouk et à Oudjda.
Pour ces derniers marchés, les objets manufacturés: vêtements cousus, sellerie, ceintures, babouches, etc…, viennent de Fès, en passant aujourd’hui par Tanger. Les autres marchandises : sucre, thé, bougies, cotonnades, draperie, soieries, etc., passaient autrefois par Melilla, qui est port franc. Les administrateurs de la douane marocaine de Melilla, originaires de Fès, souvent intéressés eux-mêmes aux affaires des négociants importateurs, n’étaient pas exigeants pour les droits. Depuis les affaires espagnoles dans le Rif, la route de Melilla à Taza et autres marchés à l’Est n’est plus sûre, et les marchandises débarquent à Nemours (en Algérie, aujourd’hui Ghazaouet). Mais les négociants attendent avec impatience le rétablissement du trafic par Melilla, qui leur coûte beaucoup moins cher, et il y aura encore là, pendant longtemps, une fuite importante au rendement complet des douanes du Maroc. Il sera, en effet, toujours impossible d’établir un contrôle sérieux à la douane de Melilla et les marchandises importées par ce port vont jusqu’au Figuig.

Marché aux grains, d’après plaque de verre 1917
Il y a toujours eu plusieurs agents des négociants de Fès à Melilla. Aujourd’hui encore, on y trouve le Hadj Mohammed Ammor, les Oulad Bennani, les Oulad Bou Aïad, les Oulad ben Chekroun. Avant la guerre du Rif, les négociants fréquentaient les différents marchés du Rif et y faisaient d’importantes affaires.
Fès est donc bien le marché le plus important du Maroc du Nord ; de plus, ce sont des négociants de Fès ou leurs agents qui font les plus importantes affaires dans les ports, à Marrakech, à Taroudant, etc.
On trouve également des commerçants de Fès en Algérie, en Tunisie, en Égypte, au Sénégal et au Soudan ; il y en a qui ont habité Marseille, Gênes ; d’autres enfin qui se rendent assez souvent à Manchester, où ils ont des intérêts considérables dans les fabriques de cotonnades et dans les affaires de thé, de bougies et de soie de Chine.
Ce qui précède a été écrit en 1910 ; les événements qui se sont passés depuis ont forcément apporté bien des modifications à la forme des transactions, mais il n’en subsiste pas moins que les relations commerciales de Fès avec les régions berbères constituent une très grande part de sa vie économique.
Il en résulte pour la question indigène de cette ville un caractère tout à fait particulier, qui semble nécessiter un contact constant et attentif avec sa population musulmane.

Souk el Khemis à Fès au pied des remparts. Cliché de 1917
À propos de Édouard Michaux-Bellaire
Édouard Michaux-Bellaire est un sociologue-anthropologue et diplomate français, et probablement un peu espion ! né à Rouen en 1857 et mort à Rabat en 1930.
Son premier séjour au Maroc, à Tanger, a lieu lors d’un voyage d’études (1884), d’autres se succèdent dans le pays durant une décennie, où il accumule notes et documents et pose les premiers jalons de la pénétration française. En 1893, il est correspondant officiel de la légation de France à El Ksar el Kebir. Affecté au poste d’agent consulaire dans la même ville en 1896, il est envoyé à Fez l’année suivante pour y régler certains litiges.
Il occupe le poste de gérant du consulat de France à Fès (1897-1906). Entre-temps, il participe à la Mission scientifique française du Maroc à Tanger pour en devenir son chef en 1907, en remplacement de Georges Salmon. Cette mission avait comme objectif principal la connaissance, l’étude et la prospection du Maroc avant l’instauration du protectorat. Il collabore à cette période avec les Archives marocaines et dirige la publication de « Villes et tribus du Maroc » à partir de 1914.
Le maréchal Lyautey lui confie la direction de la Section sociologique des Affaires indigènes (1920) et il exerce les fonctions de conseiller des Affaires indigènes à la Résidence générale de France à Rabat. Marié à Hajja Lalla Fatoum Hatimi, originaire de El Ksar el Kebir, Michaux-Bellaire s’installe à Salé, quartier Sidi-Mghit, plutôt qu’à Rabat.
Au Maroc, il préside de nombreuses œuvres françaises de bienfaisance et d’intérêt social. Outre ses fonctions au Protectorat, il mène de front différents travaux scientifiques et dirige plusieurs publications périodiques traitant de la géographie, de l’ethnographie et de la sociologie du Maroc.
Édouard Michaux-Bellaire a publié, aux Archives marocaines, en 1907, avec Georges Salmon, Description de la ville de Fès.
Jamal Hossaini-Hilali (Professeur de physiologie animale à l’Institut agronomique et vétérinaire Hassan II, à Rabat, membre de l’Académie vétérinaire de France) a publié en août 1921, dans la revue Zamane (n° 129/130) un article La Maison de Michaux-Bellaire à Salé consacré à la maison du célèbre sociologue-anthropologue.